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Hélène Perdicoyianni-Paléologou (Boston)



Françoise Desbordes (2006): Scripta varia. Rhétorique antique et Littérature latine. Textes réunis par Geneviève Clerico & Jean Soubiran. Louvain, Paris. (= Bibliothèque d'Etudes Classiques, 48)



Dans ce volume, Geneviève Clerico et Jean Soubiran rassemblent les travaux de la regrettée Françoise Desbordes sur la rhétorique antique et les divers auteurs latins. Ces travaux sont classés selon une division bipartite, rhétorique antique, d'une part, littérature latine, de l'autre.

La première partie s'ouvre sur deux études, dont la première retrace la genèse de la rhétorique, ses rapports avec d'autres réalités de l'antiquité, à savoir les institutions politiques et judiciaires, l'école, la littérature, ainsi que les autres disciplines traitant du langage. A l'examen de la situation de la rhétorique dans le monde antique s'ajoute celui des théories grecques et latines. La seconde étude porte les techniques de l'argumentation, les rapports qu'elle entretient avec la persuasion et, enfin, les procédés susceptibles d'obtenir gain de cause.

L'étude suivante se réfère à la façon dont la question du silence a été perçue à travers les jeux sur le "texte caché", dans les déclarations que les Latins appellent "controverses figurées".

La suite des travaux est consacrée aux figures de pensée, précisément à la distinction entre figure et trope, entre forme et figure, entre figures de mots et figures de pensée, et entre celles-ci et figures d'action. Une fois ces figures abordées, vient l'action, l'effet du discours qui vise, entre autres, à provoquer le rire chez le destinataire. En effet, chez Quintilien, le pouvoir du rire est rattaché à l'aspect irrationnel de la persuasion et de la sorte il est considéré comme une négation de la raison.

En plus, l'orateur est comparable à l'acteur parce que tous les deux ont en commun la fonction de parler en public en vue de convaincre leur auditoire au moyen d'une argumentation rationnelle.

Les trois dernières études traitent de l'éloquence romaine. L'accent est mis sur les préceptes universels fournis par Quintilien, qui soutient que la spécificité du style romain est en rapport avec la langue latine, sur les emplois du terme "controversia" dans les contextes judiciaire, philosophique et fictif des déclarateurs de l'empire. C'est à ceux-ci qu'est consacré le dernier article, qui rassemble de divers recueils se référant à l'exercice de déclaration, l'origine et le type de ses sujets et leur construction.




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La seconde partie est consacrée aux études de Françoise Desbordes portant sur la littérature latine. Celles-ci sont présentées selon l'ordre chronologique des auteurs et des textes étudiés. Ainsi en première place est cité un article traitant le vers saturnien. L'Auteur fait état des problèmes naissant de la loi de couplaison des phonèmes avancée jadis par Ferdinand de Saussure, de ceux de la versification sur les inscriptions au moyen de la graphie et des quantités et, enfin, des difficultés que posent la notion de thème et l'application des lois de Saussure destinées à la bonne définition du vers saturnien.

L'étude suivante met en lumière l'intérêt singulier de l'illusion théâtrale dans Miles Gloriosus. Plaute y montre clairement que la tromperie, principal ressort de l'action, est une comédie. En effet, le poète sait manier les deux tromperies de telle manière que la troupe d'acteurs inventent, répètent et jouent deux comédies.

La troisième étude est vouée à la nature de Sententiae de Publilius Syrus et de son mode de constitution. L'éclaircissement des problèmes d'authenticité que soulève ce recueil d'environ 730 énoncés gnomiques permet à l'Auteur de mettre en valeur les idées qui y sont exprimées ainsi que leur spécificité stylistique.

Le commentaire du dernier chapitre du Catilina de Salluste fait l'objet de la quatrième étude. Les deux études qui suivent traitent, d'une part, de la célébrité de Virgile et de son influence sur les auteurs postérieurs, les grammairiens et les exégètes tardifs, tels Fulgence et Virgile de Toulouse, et, d'autre part, des origines pré-virgiliennes de la légende de Didon et Enée, de son développement post-virgilien ainsi que de sa floraison dans la tragédie de Tate et l'opéra de Purcell.

Viennent ensuite deux articles consacrés aux Odes d'Horace, dont le premier aborde l'expression poétique qui est déterminée par l'opposition masculin/féminin et la façon dont elle parle de cette opposition dans les échoes implicites d'un mot à l'autre, d'une ode à l'autre. Le second article s'intéresse à la brièveté du temps humain, au caractère inévitable, égalitaire et irreversible de la mort, à la saisie de l'instant heureux liée à la perception de la fuite inéluctable du temps et, enfin, à la notion de l'"immortalité poétique".

L'idée de la mort se retrouve aussi dans l'étude sur le conte de la matrone d'Ephèse (Pétrone: Satiricon, 111–112). L'Auteur cherche à dégager en définitive l'histoire de celle-ci ainsi que la morale qui en émane.

Le dernier article représente une analyse du concept de digression, de ses difficultés, et de son application à la composition des Métamorphoses d'Apulée.

En bref, il s'agit d'un recueil d'une vingtaine des travaux de Françoise Desbordes, dont la variété rend manifeste son savoir universel et son esprit talentueux de porter son attention sur tout ce qui relève de la pensée et de la littérature latines.