Mot du président

Wolfgang Mackiewicz
Freie Universität Berlin, DE

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Tout d’abord, une invitation à tous nos membres, et à tous ceux qui pensent que l’enseignement supérieur a un rôle essentiel à jouer dans la promotion du plurilinguisme et de la diversité linguistique : venez nombreux à la 4ème Conférence du CEL/ELC qui se tiendra à la Handelshøjskolen i Århus, au Danemark, du 26 au 28 juin 2003. La conférence est consacrée cette année au Rôle des langues dans l’espace européen de l’enseignement supérieur, un thème qui souligne l’importance capitale des langues, non seulement pour l’intégration européenne en général, mais plus particulièrement dans le processus de création de cet Espace européen de l’enseignement supérieur (ou EEES), et, ne l’oublions pas, de l’Espace européen de la recherche (EER). L’enjeu pour nous tous : attirer l’attention sur le fait que le processus de Bologne ne pourra s’appliquer dans ce que nous appelons désormais le “domaine des langues”, que si nous plaçons au centre de nos préoccupations la nature et les contenus de nos formations. Ces dernières doivent être définies à la fois en fonction d’objectifs d’apprentissage et de savoirs fondamentaux liés à des profils professionnels particuliers, mais aussi en fonction de méthodologies pédagogiques centrées sur l’apprenant, conçues dans la perspective de la formation tout au long de la vie et tenant compte de référentiels précis, gages de qualité.

Le développement de politiques des langues dans les universités ainsi que la mise en œuvre du processus de Bologne dans le domaine des langues seront deux thèmes centraux de la Conférence. L’atelier consacré aux politiques des langues en milieu universitaire passera en revue un certain nombre de développements récents au niveau européen, national et institutionnel, dont certains sont le fruit du travail mené par le Groupe d’intérêt sur les politiques des langues dans l’enseignement supérieur européen que nous avons mis en place. La mise en œuvre du processus de Bologne sera au cœur du débat dans les six ateliers, dans lesquels des experts ayant participé aux différents sous-projets du Réseau thématique dans le domaine des langues (TNP2) présenteront leurs conclusions et leurs recommandations avant de les soumettre à discussion. Tous les ateliers seront conçus de façon à stimuler la discussion et à favoriser les échanges d’expériences vécues. Nous souhaitons d’une part mesurer dans quelle mesure les idées que nous avançons sont bien reçues, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des universités, et d’autre part, entendre le témoignage de collègues ayant mené des initiatives innovantes et des projets intéressants au sein de leurs établissements ou au niveau national.

Les politiques développées par le CEL/ELC et les recommandations issues du TNP2 visent bien évidemment en premier lieu des établissements d’enseignement supérieur et l’ensemble des partenaires extérieurs directement concernés. Nous avons par exemple œuvré pour l’élaboration et la mise en place de politiques des langues au niveau des établissements. Depuis la Conférence de Berlin en 2001, un certain nombre d’universités représentées dans le Groupe d’intérêt sur les politiques des langues ont adopté des mesures et des stratégies nouvelles pour promouvoir le plurilinguisme dans leur établissement. Ma propre université, la Freie Universität Berlin, permet désormais à tout étudiant inscrit dans l’un des nouveaux cursus de Licence, quel que soit son domaine de spécialité, de prendre jusqu’à 22 crédits ECTS, sur un total de 180, dans des modules de langues. A l’Université de Lausanne, une Commission du Rectorat composée de représentants des enseignants, des étudiants et des services universitaires, s’est réunie pour réfléchir à la mise en place d’une véritable politique des langues pour l’institution, dans le cadre du schéma Licence/Master, en collaboration avec l’université technologique voisine. Ce sont là deux exemples parmi bien d’autres. Le groupe a également fait un effort de communication en direction d’autres membres du CEL/ELC, en diffusant notamment un questionnaire destiné à recueillir des informations sur des initiatives innovantes dans ce domaine. Le questionnaire vient d’être rediffusé et je remercie d’avance tous les membres qui ne l’auraient pas déjà complété et qui prendront le temps de le faire. Je me réjouis de voir la notion de politique des langues de plus en plus souvent intégrée aux projets d’établissements et se retrouver dans le document consultatif de la Commission européenne intitulé Apprentissage des langues et diversité linguistique.

Voir la Commission européenne reprendre à son compte l’idée de politique des langues dans l’enseignement supérieur est une grande satisfaction pour le CEL/ELC, dans la mesure où nous avons travaillé activement depuis deux ans pour influencer cette politique aussi bien au niveau national qu’à celui de l’UE. Karen M. Lauridsen, par exemple, a présidé un groupe de travail parrainé par la Conférence des présidents des universités danoises, qui a produit un rapport sur la politique des langues dans l’enseignement supérieur au Danemark. J’ai également participé à la rédaction d’un livre blanc sur l’apprentissage des langues dans les établissements d’enseignement supérieur allemands, qui est actuellement entre les mains du Ministère de l’Education et de la Recherche allemand et de la Conférence des présidents des universités allemandes. Les principes établis par notre Groupe d’intérêt sur les politiques des langues ont par ailleurs fourni la trame des réactions du CEL/ELC aux questions posées dans le document consultatif de la Commission.

Pourtant, les choses ne sont pas si simples. Depuis de longs mois, nous travaillons pour que la question des langues soit évoquée dans le communiqué officiel qui clôturera la réunion des ministres de l’enseignement supérieur à Berlin en septembre, dans le prolongement du processus de Bologne. Fin septembre 2002, le Comité exécutif du CEL/ELC a publié une note sur le Processus de Bologne et la question des langues à l’intention des décideurs et des organisations responsables de la mise en œuvre de ce processus. Cette note faisait ressortir le fait que trois des problèmes centraux du Processus de Bologne, à savoir la mobilité, la dimension européenne de l’enseignement supérieur et la question de l’employabilité à l’échelon européen, exigent des efforts particuliers de la part des pays signataires et des établissements d’enseignement supérieur – notamment en ce qui concerne les mesures incitatives visant à encourager les étudiants à acquérir des compétences et des savoir-faire en langues étrangères. Alors que l’accueil réservé par l’Association des universités européennes (AUE) et par la Fédération des syndicats étudiants européens (ESIB) a été plutôt enthousiaste, celui des ministères a été nettement moins chaleureux. Il est évident que si la mise en œuvre concrète du Processus de Bologne relève d’abord des universités elles-mêmes, le Processus ne se réalisera véritablement qu’au prix d’une approche plurilingue à tous les niveaux du système. Un signal fort de la Conférence de Berlin serait de ce point de vue essentiel.

Cependant, l’effort de persuasion ne doit pas se limiter aux ministères. Malgré tous les efforts fournis par des centaines d’experts universitaires à travers toute l’Europe dans le cadre de trois Réseaux thématiques successifs, il est clair nous sommes encore loin d’avoir réussi à modifier partout les attitudes par rapport aux langues. Il est donc temps d’adopter une approche différente. Nous devons désormais créer à tous les niveaux du système des structures de coopération entre les universités et les autres secteurs de l’enseignement, les industries de la langue et l’environnement économique. C’est l’idée force qui sous-tend le nouveau projet de réseau thématique, le TNP3, déposé le 1er mars dernier. Le nouveau TNP prévoit trois sous-projets: (i) Les langues pour les industries de la langue et les professions linguistiques; (ii) Les langues, facteur d’employabilité; (iii) Les langues, interface entre les différents secteurs du système éducatif. Un groupe de travail transversal s’intéressera par ailleurs à la recherche dans le domaine de l’enseignement des langues. A la différence des TNP précédents, les groupes de travail représenteront toutes les parties concernées, qu’elles soient universitaires ou non. Le nouveau TNP sera lancé lors d’une importante conférence européenne qui se tiendra à Berlin les 23 et 24 janvier 2004.

Le fait que le nouveau TNP s’intéressera pour la première fois directement à la recherche dans le domaine des langues montre un véritable changement de perspective. Jusqu’à présent, au niveau de l’UE, la formation et la recherche se sont toujours tourné le dos. Elles relèvent de directions générales différentes, avec des mécanismes de financement et des priorités différentes. Aujourd’hui, pour la première fois, la Commission européenne publie un document qui couvre les deux domaines : Le rôle de l’enseignement supérieur dans l’Europe de la connaissance (document auquel le Comité exécutif du CEL/ELC sera d’ailleurs appelé à réagir, en rappelant à la Commission qu’on ne peut pas débattre du rôle de l’enseignement supérieur dans la société de la connaissance sans considérer la question des langues). D’autre part, les lettres et sciences humaines sont devenus une priorité dans le 6ème Programme Cadre. Le CEL/ELC mène d’ailleurs ses propres activités de recherche depuis le début de l’année dernière, et la Conférence d’Århus sera la première conférence CEL/ELC à comporter un atelier recherche. Notre vice-présidente, Anne-Claude Berthoud, a écrit en mai à tous les membres du CEL/ELC pour attirer leur attention sur l’organisation de cet atelier et pour les inviter à proposer des thématiques.

Dans ma description des activités récentes et actuelles du CEL/ELC, j’ai mis l’accent sur ce qui fait notre force : notre capacité à influer sur les politiques dans le domaine des langues à différents niveaux, à fournir une plate-forme de lancement pour divers projets de coopération et de développement, et peut-être bientôt pour des projets de recherche. D’autres aspects ont été moins probants : par exemple la diffusion des informations et la promotion d’expériences intéressantes, ou les services aux membres. Six ans après le Conférence de Lille, il est temps de faire un bilan et de nous demander quelles doivent être les priorités et les objectifs du CEL/ELC au cours des cinq prochaines années, sachant que les choix qui seront faits détermineront à la fois les modes de fonctionnement et de financement de l’association. Lors de la création de l’association, nous visions quelque quatre à cinq cents membres. Six années plus tard, nous devons nous rendre à l’évidence : cet objectif ne sera jamais atteint si nous ne changeons pas radicalement de perspective. La discussion et le choix de ces nouvelles perspectives relèveront de la nouvelle équipe qui sera élue à Århus. Mais il appartiendra déjà à l’Assemblée générale d’engager le débat sur ces choix stratégiques.

Chers collègues, je me réjouis de vous retrouver nombreux à Århus.


Bulletin d'information 9 du CEL - avril 2003