Rapports

Promouvoir le plurilinguisme et la diversité linguistique en Europe : quel rôle pour la recherche ?
Résumé du Workshop organisé à la Fondation Universitaire de Bruxelles, le 1er février 2003

Anne-Claude Berthoud
Université de Lausanne, CH

Table des matières
in English



Introduction

Sur proposition du Conseil d’administration du CEL/ELC, le Comité exécutif a constitué, au début de l’année 2002, un groupe de réflexion « Recherche », présidé par Anne-Claude Berthoud, (Université de Lausanne, CH) vice-présidente du CEL/ELC et comprenant trois autres membres du Conseil d’administration : Claude Truchot (Université Marc Bloch, Strasbourg, FR), Piet van de Craen (Vrije Universiteit Brussel, BE) et Wolfgang Mackiewicz, président du CEL/ELC.

Lors d’une séance tenue en octobre 2002, le groupe de réflexion a décidé de lancer une initiative de recherche en relation avec les objectifs du CEL/ELC tels que définis dans ses statuts : « promouvoir le plurilinguisme et la diversité linguistique en Europe, dans la perspective d'une intégration européenne croissante, et afin de mieux répondre aux besoins linguistiques des milieux économiques, culturels, politiques et éducatifs, résultant de cette intégration. »
Cette initiative de recherche coïncide avec un certain nombre de développements au niveau européen, et en particulier le lien entre éducation supérieure et recherche, tel qu’il émane de la Communication de la Commission Européenne intitulée « Le rôle des universités dans l’Europe des connaissances » et de l’ouverture du programme de recherche européen aux sciences humaines.

En guise de première étape, le groupe de réflexion a organisé un Workshop visant à définir de nouveaux thèmes et méthodes de recherche conformes aux objectifs du CEL/ELC ; Workshop auquel ont été invités deux membres de la Commission Européenne – Sylvia Vlaeminck, Chef de l’unité « politique des langues », DG Education et culture, et Noël Muylle, Chef du Directorat « Interprétation et multilinguisme », Service Commun Interprétation et Conférences (SCIC), pour réfléchir aux besoins de recherche dans les deux domaines ayant une importance particulière pour la communication et la coopération dans une Europe multilingue : l’apprentissage et l’enseignement des langues et la traduction et l’interprétation. Les membres du groupe de réflexion y ont répondu par la présentation de scénarios de recherche pertinents du point de vue d’une politique linguistique européenne. L’idée était ensuite que ces scénarios fassent l’objet de commentaires par un membre officiel de la DG Recherche, mais qui n’a malheureusement pas pu être présent ce jour-là. En lieu et place, Inge Knudsen de l’Association des Universités Européennes (AUE) a présenté les grandes lignes du 6e Programme-Cadre, ainsi que les propres efforts de l’Association en matière de recherche et de formation. Ont été ensuite conviés à réagir à ces propositions des linguistes ayant une expérience de recherche au niveau européen, et notamment – Ekkehard König (Freie Universität Berlin, DE) et Georges Lüdi (Universität Basel, CH). Michael Kelly (University of Southampton, UK), empêché d’assister au Workshop, a proposé a posteriori quelques thèmes de recherche qui seront présentés à Århus (voir annexe).

Le Workshop a permis l’identification de quelques thèmes de recherche, pour lesquels des esquisses de projets seront présentées dans l’atelier « Recherche » de la Conférence du CEL/ELC (Århus, 26-28 juin 2003).

Le Workshop a été introduit par Wolfgang Mackiewicz, Président du CEL/ELC, qui a rappelé que la recherche, en tant que telle, était inscrite dans l'objet social des statuts du Conseil. Or si le CEL/ELC a jusqu'ici largement négligé ces buts, les Projets de Réseaux Thématiques (PRT) fournissent néanmoins les bases sur lesquelles de telles recherches peuvent se fonder. Ils ont permis tout à la fois d'identifier des champs de recherche pertinents pour l'innovation et le développement de programmes dans l'enseignement supérieur et d'élaborer des projets basés sur les résultats de la recherche. La recherche que veut promouvoir le CEL/ELC est une recherche "orientée" devant contribuer à faciliter la communication et la coopération au-delà des barrières linguistiques et culturelles. Elle doit par ailleurs explorer les bénéfices et le potentiel inhérents à une recherche plurilingue et produire une nouvelle génération de chercheurs, spécialisés dans une recherche qui s’inscrit dans le champ des politiques linguistiques et culturelles.

Pour ce faire, différents types d'actions sont envisagés, et en particulier l’identification d’un certain nombre de domaines prioritaires, l’adoption et le développement de méthodes de recherche interdisciplinaires appropriées, l’obtention de la collaboration de partenaires importants, le développement de quelques projets pilotes prometteurs, la proposition d’un projet pilote de réseau de recherche européen en matière de langues, chargé d'analyser le statu quo et de faire des propositions concrètes pour des projets de recherche (au sens plein du terme). A court terme, il s'agira de préparer le sous-projet 4 du TNP3 devant commencer en octobre 2004, intitulé "Langues et coopération entre éducation et recherche".

Sylvia Vlaeminck, Chef d'unité « politique des langues » à la Commission Européenne (DG Education et culture), a souligné le côté particulier de ce Workshop consacré à la recherche, une recherche "orientée" qu'elle voit avec satisfaction toucher le champ de l'éducation et en particulier le domaine des langues et de leur apprentissage. Les langues sont précisément à l'ordre du jour de la Commission Européenne, un plan d'action étant prévu pour le milieu de l'année, suite à une consultation venant de se terminer. Dans cette optique, la question de la recherche revêt une importance toute particulière et est actuellement discutée entre les différentes DG, et notamment avec la DG « Recherche ».

Parmi les domaines envisagés figurent en priorité ceux de l'apprentissage précoce des langues et de l'éducation plurilingue, pour lesquels toute une série de recommandations ont été faites. Pour l'apprentissage précoce, il est en outre fortement souhaité que la recherche porte sur l'évaluation des résultats et des relations entre résultats et facteurs contextuels, sur l'étude des processus d'apprentissage et sur l'innovation pédagogique. Pour l'éducation plurilingue, il est recommandé que les pôles d'expertise dans le domaine du CLIL (Content and Language Integrated Learning) et de l’EMILE (Enseignement des Matières par Intégration des Langues comme moyen d’Enseignement) s'instituent en consortium, pour déposer des projets transnationaux inscrits dans le 6e Programme-Cadre 2002-2006, visant à identifier, examiner et établir des solutions pour mener à bien l’objectif du «1+2 ». Dans cette optique sont en outre proposées des recherches interdisciplinaires s'appliquant aux technologies interactives multimédias existantes et futures, et appropriées pour un CLIL/EMILE transnational.

Noël Muylle, Chef du Directorat « Interprétation et Multilinguisme » au Service conjoint d'Interprétation et de Conférence de la Commission Européenne, a mis au centre de son intervention les deux questions qu'il juge essentielles, à savoir, celle de l'apport du plurilinguisme à la construction européenne, d'une part, et celle du coût du non plurilinguisme en Europe, d'autre part.

L'Europe constitue une mosaïque d'Etats souverains qui se transforme chaque jour. Une Union est aussi une mosaïque de langues et de cultures dont la diversité représente son originalité et sa richesse. L'Union s'est dotée d'institutions à pouvoir décisionnel, susceptibles de s'adapter aussi bien au changement qu'à la diversité. Or, la communication plurilingue constitue précisément un facteur d'intégration, permettant aux délégués et représentants des différents pays de s'exprimer dans la langue qu'ils maîtrisent le mieux, pour présenter, argumenter et défendre concepts et intérêts.

Si personne ne conteste aujourd'hui l'existence de langues plus répandues que d'autres et l'utilité d'une lingua franca pour les négociations en affaires comme en politique, il est néanmoins aberrant d'imaginer que tous doivent parler anglais, une conception issue de la dérive du discours politique vers le discours économique, fondée sur l'illusion de la transparence et de l'intercompréhension. Maîtriser plusieurs langues représente un atout et une source de développement personnel, mais qui implique de changer fondamentalement le système et de ne pas le laisser aux seules mains des politiques et des chroniqueurs. Mais il n'y a pas de solutions toutes faites et il faut y travailler.

Dans une Europe des connaissances prônée par les Chefs d'Etats et de Gouvernements, un travail de recherche interdisciplinaire sur l'économie des langues s'impose, et qui va précisément dans le sens des objectifs du 6e Programme-Cadre.

Anne-Claude Berthoud, Université de Lausanne, présente les objectifs et le cadre général des recherches envisagées : ces recherches visent à apporter des réponses scientifiquement fondées aux différents enjeux du plurilinguisme pour l'Europe, à savoir, ses enjeux politiques, économiques, culturels, éducatifs, professionnels et plus particulièrement cognitifs, et à définir les cadres dans lesquels ces réponses peuvent s’inscrire.

Il s'agit notamment de montrer le rôle central et transversal des langues dans la construction et la transmission des connaissances, et par là de convaincre les responsables institutionnels que le plurilinguisme est l'affaire de tous, soit tout à la fois un savoir à construire pour les disciplines linguistiques et un instrument cognitif à élaborer pour la construction des autres savoirs. L'élargissement du champ de la recherche appelle un double décloisonnement linguistique et disciplinaire. Le décloisonnement linguistique conduit à un concept intégré des langues et le décloisonnement disciplinaire conduit à une nouvelle forme d'articulation entre langues et contenus disciplinaires. Or élargir le champ de la recherche implique la mise en œuvre de nouvelles formes de recherche, des recherches interdisciplinaires et orientées, en prise sur l'évolution du contexte et susceptibles de répondre à des besoins urgents, tout en créant les instruments d'analyse de ces besoins.

Ces recherches appellent par ailleurs la mise en réseaux, au niveau européen, d'équipes existantes, ou la constitution de nouvelles équipes, dans l'optique de la construction d'un espace scientifique européen sur le plurilinguisme, sous l'égide du CEL/ELC. La formation à la recherche sur le plurilinguisme nécessite par ailleurs la formation d'écoles doctorales européennes, inscrites dans le prolongement de formations existantes au plan national.

Piet van de Craen, Vrije Universiteit Brussel, relève en particulier l'importance de la question de l'éducation plurilingue à travers l'Europe, en dépit du fait que ses aspects hautement politisés et ses connotations idéologiques sont en très fort contraste avec l'opinion scientifique commune en la matière. Alors que les scientifiques d'Europe - et du monde - sont convaincus des bénéfices de l'éducation plurilingue, les politiciens et responsables institutionnels ne répondent que très lentement ou négativement aux réformes qu'appelle son implémentation. Cela peut être dû au fait qu'en dépit de son agrément dans les milieux scientifiques, un certain nombre de facteurs sont encore inconnus, en raison de lacunes en matière de recherche. On soulignera notamment le manque de recherches sur l'intervention subtile de facteurs sociolinguistiques tels que celui des langues dominantes par rapport aux langues non dominantes dans l'éducation plurilingue, ainsi que leurs conséquences éducatives, le manque de recherche sur l'influence à long terme de l'enseignement et l'apprentissage plurilingue, sur l'articulation entre apprentissage guidé et non guidé dans ce type de méthode, ou encore celui des variables liées à l'âge . Un nombre accru de recherches dans les domaines mentionnés est absolument nécessaire, afin de confirmer les enjeux de l'éducation plurilingue et ainsi de déterminer de façon plus ciblée les politiques éducatives développées dans les états membres.

Claude Truchot, Université Marc Bloch, Strasbourg, souligne la nécessité d'une remise en question des idées toutes faites sur la lingua franca et notamment de celles véhiculées et renforcées par les media, qui se fondent avant tout sur les stéréotypes, et en particulier sur celui de l'anglais comme langue naturelle de l'entreprise. Il convient de développer des recherches scientifiques sur ces questions et de montrer, par exemple, ce que l'on peut faire avec une telle langue véhiculaire ; question qui rejoint celle plus générale de l'usage des langues au travail et notamment celle des langues de spécialité. Par ailleurs, dans l'analyse des besoins, on se trouve confrontés aux déclarations des employeurs, qui ne savent pas réellement quels sont leurs besoins et qui expriment, eux aussi, des idées toutes faites sur l'anglais.

Une des difficultés majeures consiste cependant à faire de la recherche à partir de chiffres (cf. l’Euro-baromètre). Les résultats traduisent les déclarations des gens, mais non la réalité des performances. Il s'agit dès lors de construire des instruments d'analyse ainsi que des instruments d'évaluation. Mais la question reste de savoir si l'on peut faire cette recherche, l'université étant une institution où les langues sont constituées en "tours" relativement cloisonnées et les spécialistes de langues guère préparés pour étudier la langue au travail. D'où la nécessité de mettre en place une politique linguistique, comme moteur de changement, ainsi qu'une politique de la recherche en langue, sous la forme, par exemple, de centres de recherche sur le plurilinguisme, avec des doctorants. C'est là une façon pour le plurilinguisme d'accéder à un statut d’objet de recherche, tout en élargissant les objets linguistiques traditionnels et en créant un nouvel état d'esprit. Il convient par conséquent d'insérer la recherche sur les langues dans la politique des langues au niveau institutionnel.

Inge Knudsen, European University Association, rappelle la mission de l'EUA, qui est de promouvoir un système cohérent de l'enseignement supérieur et de la recherche en Europe. Ses principaux challenges consistent à créer un espace européen de la recherche et un espace européen de l'enseignement supérieur, ainsi qu’à apporter conseils et soutien à ses membres et à travailler en collaboration avec des partenaires (TRENDS, ECTS, Quality Culture, Joint Masters Pilot). Pour ce qui est plus particulièrement des enjeux de la « 2e Convention des institutions européennes d'enseignement supérieur », ils consistent à concilier espace européen et espace global, à définir plus précisément les liens entre enseignement et recherche, à promouvoir une culture de la qualité dans les universités d'Europe et à faire avancer le processus de Bologne et de Prague à travers des lignes d'action clairement définies.

Pour ce qui concerne plus particulièrement les langues dans l'enseignement supérieur (HE), il apparaît que pour les Masters pilotes conjoints, notamment, la tendance est affirmée d'utiliser l'anglais comme lingua franca parmi les projets sélectionnés. Concernant les Cursus européens (European degrees), des solutions pragmatiques (usage de l'anglais) ne sont pas suffisantes pour les rendre compétitifs : un soutien doit aussi être apporté à des projets plurilingues. Leur attraction pourrait être fondée notamment sur la diversité linguistique et culturelle. Concernant les enjeux linguistiques de la recherche, MORESS (Mapping of Research in European Social Sciences) vise à créer un espace européen de la recherche en cherchant des solutions dans une recherche fondée sur des relations culturelles, nationales et linguistiques. Dans les sciences humaines et sociales du 6e Programme-Cadre, les barrières nationales doivent être brisées.

Ekkehard König, Freie Universität Berlin, considère prioritaires les thèmes de recherche qui évaluent les apports et les conséquences intellectuelles, économiques et politiques du plurilinguisme par rapport à ceux et celles du monolinguisme, ainsi que le potentiel ou l'efficacité des mesures actuellement prises pour promouvoir le plurilinguisme. Parmi ces mesures, il faut relever l'enseignement précoce des langues étrangères, l'acquisition de compétences partielles, les échanges et la mobilité, les méthodes innovatrices (CALL, apprentissage interactif, éducation plurilingue, nouveaux environnements éducatifs).

Un autre domaine majeur est celui de l'enseignement de la compétence plurilingue, en instituant en particulier de nouvelles formes de coopération entre linguistes et centres de langues. Un des problèmes aujourd'hui réside dans la focalisation sur une langue sans établir réellement de rapports avec les autres, renforçant la disparité des terminologies grammaticales utilisées. Il s'avère nécessaire de mieux exploiter les similarités et les parallèles entre les langues à acquérir, ainsi que les acquis linguistiques préalables, afin de mieux intégrer les connaissances des différentes langues en une représentation cohérente.

Pour ce faire, il est nécessaire d'envisager des projets permettant de développer du matériel didactique pour les comparaisons de langues, de rédiger des grammaires de langues individuelles sur des bases comparatives et des grammaires contrastives partielles portant sur des paires de langues, de développer des descriptions comparatives de domaines spécifiques ou de fragments de langues, fournissant une vue globale des traits communs et des paramètres de variation. On pourra également développer du matériel didactique et des cours sur les familles de langues en Europe (Les langues germaniques, les langues romanes, etc.)

Georges Lüdi, Université de Bâle, évoque le décalage existant entre les discours des politiques qui prônent la diversité linguistique et l'attribution de moyens très limités aux langues. Ce qui a pour résultat l’abandon précoce des langues étrangères par les étudiants et l’obtention de résultats insuffisants dans l'enseignement des langues. Il est donc nécessaire de changer les choses et notamment par la recherche sur les stéréotypes et plus généralement sur les représentations des différents acteurs, et notamment les décideurs et les parents. Il s'agit par ailleurs de montrer les besoins individuels, les besoins économiques et les besoins politiques, dans le cadre de recherche interdisciplinaires portant sur le coût et le profit du plurilinguisme. Or l'analyse des besoins requiert des instruments adéquats pour pouvoir les projeter dans l’avenir.

La lingua franca constitue elle aussi un objet privilégié, et en particulier en focalisant les malentendus émergeant des locuteurs parlant l'anglais. Focaliser sur les risques de malentendus serait une façon de rendre possible une lingua franca, de préciser ce que l'on peut faire avec elle, pour qu'elle soit réellement opératoire et non en concurrence avec les autres langues. Un autre champ de recherche concerne l'imagerie du cerveau : dire que l'homme est fait pour être plurilingue a des conséquences au niveau des secteurs du cerveau affectés, selon que l'on considère des bilingues tardifs ou des bilingues précoces. Il convient également de développer à large échelle la recherche sur le CLIL/EMILE pour créer des alternatives à l'enseignement traditionnel. Enfin, des recherches sont à développer sur la construction et la communication des connaissances et sur le rôle essentiel qu'y joue le plurilinguisme en tant que grille conceptuelle

Conclusions et pistes à développer (Claude Truchot)

Claude Truchot souligne le fait que ce Workshop s'inscrit dans une longue démarche développée par le groupe de réflexion « Recherche » du CEL/ELC. La question consistait à savoir, d'une part, si cette ambition allait correspondre aux besoins et aux objectifs de ceux qui construisent l'Europe et d'autre part, si la recherche pouvait apporter une contribution au développement de la diversité linguistique et du plurilinguisme en Europe. C'est dans ce sens que va par exemple la question du « coût du non plurilinguisme » en Europe. Il s'avère dès lors que l'apport des chercheurs a été particulièrement riche et qu'un dialogue et une collaboration sont possibles. Reste à élargir le débat et à trouver les critères permettant d'approfondir les questions, parmi lesquelles il est nécessaire d'effectuer des choix et de définir des priorités.

On pourrait notamment imaginer des travaux contrastifs entre approche neurologique et cognitive du plurilinguisme et concevoir plusieurs sous-projets dans un seul grand projet, voire constituer de nouveaux réseaux. Pour ce faire, il convient de chercher de nouveaux moyens, notamment auprès de la DG "Recherche". Par ailleurs l'EUA s'avère particulièrement intéressante du point de vue linguistique et rejoint très précisément des questions clés évoquées. Des pistes devraient être explorées pour envisager un partenariat.

Néanmoins, un certain nombre d'obstacles ne sont pas à ignorer, et en particulier d'ordre institutionnel. D'où l'importance d'institutionnaliser une recherche sur des objets élargis par des chercheurs sérieux à de nouveaux objets. Pour institutionnaliser de tels projets au niveau européen, il s'agit en quelque sorte de prouver la plus value du plurilinguisme et de l'étayer pour trouver des fonds. Cela va dans le sens de l'Europe des connaissances (cf. Lisbonne) et du coût d’une Europe non multilingue. Si jusqu'ici le CEL/ELC s'est préoccupé avant tout de problèmes d'acquisition, il doit maintenant se trouver une nouvelle spécificité et se lancer dans une voie novatrice.

Quelques pistes pour des projets pilotes

De ces réflexions peuvent se dégager un certain nombre de thèmes récurrents, notamment concernant les enjeux économiques, professionnels et éducatifs du plurilinguisme.

Une première piste de recherche qui semble s'imposer est celle du coût du non plurilinguisme pour l'Europe, susceptible d'être conduite à partir de travaux sur l’économie des langues.

Un deuxième axe de recherche concerne l'usage des langues dans le monde du travail, ainsi que les besoins exprimés en la matière et l'élaboration d'instruments pour les analyser.

Un troisième type de questions porte sur les défis de l'éducation plurilingue dans la construction et la transmission des connaissances et les facteurs contextuels qui y sont liés.

Recherche qui serait à inscrire également dans le cadre plus général d'une réflexion sur les savoirs dans la construction d'une Europe des connaissances.

Annexe

Nouveaux axes de recherche dans le domaine des langues
Mike Kelly (University of Southampton)

Profils étudiants dans le domaine des langues
Ce projet s’intéresserait aux étudiants en langues dans l’enseignement supérieur en Europe, notamment sous l’angle de leur origine sociale et de l’élargissement de l’accès à l’enseignement supérieur. L’étude devrait s’intéresser en particulier à la répartition des sexes, à l’appartenance à des minorités ethniques, à l’origine socio-économique, à la nationalité et au contexte linguistique. Elle aurait pour but de déterminer si certains types d’étudiants dominent dans les études de langues et les raisons éventuelles d’une telle prédominance.

Perspectives professionnelles des diplômés en langues en Europe
Ce projet aurait pour objet les emplois occupés par des diplômés en langues ayant récemment quitté l’université. Il s’attacherait à déterminer le profil professionnel type du diplômé en langues actuel, et examinerait les perspectives probables ou possibles, en comparant les profils de diplômés dans différents types de formations en langues.

L’obligation dans l’apprentissage des langues
Ce projet tenterait de savoir dans quels pays et dans quelle mesure l’étude de langues étrangères est obligatoire dans l’enseignement supérieur, en essayant de distinguer les pays, les institutions, les niveaux de formation, le degré de spécialisation et les langues elles-mêmes. Il s’efforcerait de déterminer dans quelles conditions l’obligation devient efficace et dans quelle mesure elle agit sur le niveau de compétence linguistique et sur les attitudes envers les langues ; les facteurs qui déterminent le caractère obligatoire ou facultatif de l’enseignement des langues en Europe et la façon dont les cours de langues obligatoires sont pris en compte dans les cursus.

Enseignement de langues nationales dominantes en tant que langue étrangère ou langue seconde
Ce projet s’intéresserait aux dernières tendances en matière d’enseignement de langues nationales en tant que langues étrangères ou secondes (par exemple : English as a foreign language ou Français langue étrangère), et étudierait l’impact de ces développements sur l’enseignement des langues étrangères en général.

Sensibilisation aux contextes sociaux et linguistiques
Ce projet aurait pour but d’étudier comment les futurs enseignants de langues peuvent être formés à reconnaître et à réagir à la diversité des environnements sociaux et linguistiques dans lesquels ils vont devoir enseigner. Leur formation devrait par exemple inclure l’étude comparative des systèmes éducatifs et l’étude de la diversité linguistique et des politiques des langues, en s’attachant à démontrer les implications concrètes de ces dernières et à dégager des stratégies pédagogiques par rapport à ces politiques. Une étude préliminaire pourrait être entreprise afin de dégager des propositions pouvant servir de base à une large consultation sur ces sujets.

Motivations et étude des langues
Ce projet s’efforcerait de lister systématiquement les raisons qui poussent les étudiants à vouloir étudier une langue. Il tenterait de dégager les raisons qui peuvent inciter les étudiants de disciplines non linguistiques à continuer l’étude d’une langue étrangère, surtout dans les formations où cette étude n’est pas obligatoire, et les raisons qui devraient inciter les étudiants à suivre des formations de spécialisation en langues, ainsi que les emplois dans les professions linguistiques qui peuvent motiver les étudiants spécialistes en langues.

Les cursus de spécialisation en langues
Ce projet prolongerait le travail accompli dans le cadre du sous-projet TNP2 sur l’innovation dans les formations en langues. Il s’appliquerait à recenser le contenu des cursus de spécialisation en langues à travers l’Europe, en comparant ces contenus dans les différents pays et en dégageant les tendances actuelles en terme de débouchés selon les types de formation.

Différenciation de l’offre de formation en langues
Ce projet identifierait les façons dont l’offre de formation en langues diffère de celle des autres disciplines, dans tous les secteurs de l’éducation. Il couvrirait notamment l’emploi de personnels auxiliaires de formation, la souplesse et la variabilité des formations dans l’espace et dans le temps, l’emploi de différents procédés d’accréditation et de validation, la mise en place d’espaces de formation spécialisés, et les relations entre l’offre de formation du public et du privé.

Modèles pédagogiques pour le e-learning
Ce projet s’efforcerait de faire des recommandations pour l’amélioration des modèles pédagogiques, des contenus de formation (y compris au niveau des modalités d’évaluation) et des pratiques dans le domaine du e-learning en langues. Le E-learning doit être pris dans son sens le plus large, c’est à dire toute utilisation des technologies éducatives dans l’enseignement à distance, l’enseignement présentiel et l’enseignement mixte. Le projet étudierait les publications déjà consacrées à la modélisation pédagogique dans le domaine du e-learning, recenserait l’offre de e-learning en langues dans l’enseignement supérieur et conduirait des études de cas à partir d’expériences actuelles dans le domaine.

L’offre de formation en langues dans l’enseignement supérieur
Ce projet aurait pour but une étude exhaustive de l’offre de formation en langues dans l’enseignement supérieur en Europe. Cette étude porterait sur tous les types de licences en langues existants (formations de type “langue et littérature”, langues appliquées, formation des maîtres, traduction et interprétation, etc.) ainsi que sur les formations pour spécialistes d’autres disciplines. Elle recenserait les différentes langues enseignées ainsi que les différentes institutions qui proposent ces formations et les composantes qui les mettent en œuvre. Elle comptabiliserait le nombre d’étudiants actuellement dans ces formations et l’évolution constatée au cours des cinq dernières années. Elle identifierait les principales tendances et prévoirait les évolutions probables, en faisant des propositions sur la meilleure façon d’améliorer la compétence en langues des étudiants dans les universités européennes.


Bulletin d'information 9 du CEL - avril 2003